Avril 2019 - MEDITATION et Liberté Bouddhisme et Spiritualité

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Avril 2019

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LA PEUR
Dans cette vidéo, André COMTE-SPONVILLE dénonce la soumission insupportable face au COVID
La peur est un des plus grands problèmes inhérents à la vie. Etre sa victime c'est avoir l'esprit confus, déformé, violent, agressif, en perpétuel conflit. C'est ne pas oser s'éloigner d'un mode conventionnel de pensée, qui engendre l'hypocrisie. Tant qu'on n'est pas délivré de la peur, on peut escalader les plus hautes montagnes, inventer toutes sortes de dieux, mais on demeure dans les ténèbres.
Vivant dans une société stupide et corrompue comme la nôtre, dont l'éducation compétitive engendre la peur, nous sommes tous surchargés du fardeau de la peur.
Une peur physique existe, mais ce n'est qu'une réaction qui provient de notre hérédité animale. Seules les peurs psychologiques nous intéressent ici, car lorsqu'on les comprend telles qu'elles sont, profondément ancrées en nous, on peut affronter les peurs animales, tandis que nous attaquer à celles-ci d'abord ne nous aidera jamais à comprendre celles de la psyché.
FACE A FACE AVEC LE FAIT
De quoi avons-nous peur ? Est-ce d'un fait ou d'une idée concernant le fait ? Est-ce la chose telle qu'elle est que nous redoutons, ou ce que nous pensons qu'elle est ?
Donc, considérons la mort, par exemple. Avons-nous peur du fait de la mort ou de l'idée de la mort ? Le fait réel et l'idée que l'on s'en fait sont deux choses très différentes. Si j'ai peur de l'idée, du mot mort, je ne comprendrai jamais le fait, je ne le verrai jamais, je ne serai jamais en contact direct avec lui.
Ce n'est que lorsque je suis en communion complète avec le fait que je ne le crains pas. Si je ne suis pas en communion avec lui, j'en ai peur, et je ne peux pas être en communion avec lui tant que j'ai une idée, une opinion, une théorie à son sujet. Je dois donc savoir très clairement si j'ai peur du mot, de l'idée, ou du fait. Si je suis libre d'affronter le fait, il n'y a rien à comprendre : le fait est là, et je peux agir. Si par contre j'ai peur du mot, c'est le mot que je dois comprendre ; je dois entrer dans tout le processus que le mot, que l'idée impliquent...
Ce qui cause la peur, ce sont mes opinions, mes idées, mes expériences, mes connaissances, mes appréhensions au sujet du fait, mais pas le fait lui-même.
Tant que se déroule autour d'un fait le processus du langage, qui lui donne un nom, qui permet à la pensée de juger à la façon d'un observateur, de le condamner, de créer une identification, la peur est inévitable.
La pensée est le produit du passé, elle n'existe qu'au moyen de mots, de symboles, d'images ; et tant qu'elle commente ou traduit un fait, il y a forcément de la peur.
AU CONTACT DE LA PEUR
Il y a la peur physique. Par exemple, quand vous voyez un serpent, un animal sauvage, la peur naît instinctivement : cette peur est normale, saine, naturelle. Ce n'est pas de la peur, c'est le désir de se protéger - qui est normal. Mais l'autoprotection d'ordre psychologique - c'est à dire le désir de certitude permanente - engendre la peur. Un esprit qui veut toujours être sûr de tout est un esprit mort, car il n'y a dans la vie aucune certitude, aucune permanence... Lorsqu'on entre en contact direct avec la peur, il y a une réponse du système nerveux, et ainsi de suite. Alors, lorsque l'esprit cesse de fuir dans les mots et dans des activités de tous ordres, il n'y a plus de division entre l'observateur et l'objet de son observation, qui est la peur.
Seul l'esprit qui cherche à s'échapper se dissocie de la peur. Mais quand il y a réellement contact avec la peur, il n'y a pas d'observateur, d'entité qui dit : "j'ai peur". Donc, dès l'instant où vous entrez en contact direct avec la vie, ou avec quoi que ce soit, il n'y a plus de division - c'est cette division qui engendre la compétition, l'ambition, la peur.
L'important n'est donc pas de connaître la "recette qui libère de la peur". Si vous cherchez une voie, un moyen, un système pour vous débarasser de la peur, vous serez à jamais prisonnier de celle-ci.
Mais si vous comprenez la peur - ce qui ne peut se produire que lorsque vous entrez en contact direct avec elle, comme vous êtes en contact avec la faim, comme vous êtes directement en contact avec la peur du licenciement qui menace -, alors vous agissez efficacement ; ce n'est qu'alors que vous vous apercevrez que cesse toute peur - et nous disons bien toute peur, et non telle ou telle forme de peur.
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