Février 2018 - MEDITATION et Liberté Bouddhisme et Spiritualité

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Février 2018

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S'affranchir du conditionnement
Problèmes observés, problèmes envolés ?
Il est évident que toute pensée est conditionnée. Il n'existe pas de pensée libre. La pensée ne peut jamais être libre : elle est le fruit de notre conditionnement, de notre vécu, de notre culture, de notre climat, de notre environnement social, économique et politique. Vos lectures mêmes, les pratiques qui vous sont propres, font partie de ce vécu, et toute pensée ne peut être que le corollaire de ce vécu. Si nous pouvons donc avoir conscience, nous parviendrons peut-être au déconditionnement de l'esprit sans intervention de la volonté, sans que ce déconditionnement soit le fruit d'une démarche délibérée.
Car dès l'instant où la démarche est délibérée, il y a une entité désirante, une entité qui décrète : "Je dois déconditionner mon esprit." Cette entité elle-même naît de notre désir d'accéder à un résultat donné : il y a donc là, déjà un conflit. Alors, est-il possible d'être conscients, simplement conscients de notre conditionnement, et rien de plus ? Dans ce cas-là, il n'y a pas l'ombre d'un conflit. Cette conscience même, pour peu qu'on lui donne l'occasion de se manifester, est peut-être en mesure de réduire en cendres les problèmes.
Aucun conditionnement n'est noble
Le désir qu'a l'esprit de se libérer de son conditionnement ne crée-t-il pas un autre type de résistance et de conditionnement ? Ayant pris conscience du modèle ou du moule dans lequel vous avez été élevé, vous voulez vous en libérer. Ce désir de liberté ne conditionnera-t-il pas l'esprit à son tour, mais d'une manière différente ? L'ancienne structure affirme que vous devez vous conformer à l'autorité, à présent vous êtes en train d'en établir une autre selon laquelle vous ne devez pas vous conformer. De sorte que vous avez deux modèles, et parfaitement conflictuels. Aussi longtemps qu'existera cette contradiction interne, un conditionnement encore plus profond s'installera.
Il y a d'un côté le désir qui débouche sur le conformisme, et de l'autre le désir de liberté. Si dissemblables qu'ils puissent paraître, ces deux désirs ne sont-ils pas fondamentalement semblables ? Et si tel est le cas, cette quête de la liberté est vaine, car vous ne ferez que passer d'un modèle à l'autre, indéfiniment. Il n'existe aucun conditionnement qui soit noble ou meilleur qu'un autre. Tout conditionnement est douloureux. Le désir d'être, ou de ne pas être, entraîne le conditionnement, et c'est ce désir qu'il nous faut comprendre.
S'affranchir du conditionnement
Le désir de se libérer du conditionnement a pour seul effet de le renforcer. Mais si, au lieu d'essayer d'étouffer ce désir, on en comprend tout le processus, cette compréhension même est ce qui permet de se libérer du conditionnement. Pourtant cette libération n'est qu'un effet annexe, pas l'essentiel. Est-ce que vous comprenez ?
Si je me fixe délibérément pour but de me libérer de mon conditionnement, ce désir crée à son tour un autre conditionnement, mais je deviens victime d'une autre. Alors que si nous comprenons ce désir de libération, cette compréhension même suffit à détruire tout conditionnement. Le fait d'être libéré du conditionnement n'est qu'un produit accessoire, sans importance. L'important, c'est de comprendre ce qui crée le conditionnement.
Etre simplement conscient
Toute forme d'accumulation, que ce soit de connaissances ou d'expériences, toute forme d'idéal, toute projection de l'esprit, toute pratique délibérée se proposant de façonner l'esprit, en fonction de ce qu'il devrait être ou ne pas être, tout cela paralyse évidemment notre démarche d'investigation et de découverte. Je pense donc que notre questionnement ne doit pas avoir pour but de résoudre nos problèmes immédiats, mais de découvrir si le contenu de l'esprit, le conscient, mais aussi le niveau inconscient de l'esprit, où sont emmagasinés tous les souvenirs, toutes les traditions, tout l'héritage de l'espèce, si tout cela, donc, peut être éliminé. Je crois que cela n'est possible que si l'esprit est capable d'être conscient, sans aucune notion d'exigence, de pression, capable d'être simplement conscient.
Je crois que c'est une des choses les plus ardues que d'être conscient, parce que nous sommes happés par les problèmes immédiats et leurs solutions immédiates, ce qui rend notre existence très superficielle. Nous avons beau consulter tous ces psychanalystes, lire tous ces livres, amasser toutes ces connaissances, aller à l'église, prier, méditer, observer diverses disciplines, nos existences n'en sont pas moins manifestement superficielles, parce que nous sommes incapables d'aller au fond des choses.
Je crois que la compréhension, le moyen de pénétrer au coeur, au plus profond des choses, passe par la conscience, la simple perception de nos pensées et de nos sentiments, sans condamnation, sans comparaison, la simple observation. Vous constaterez, si vous tentez l'expérience, l'extraordinaire difficulté de la chose, parce que nous sommes essentiellement formés, rodés à condamner, à approuver, à comparer.
L'intervalle entre les pensées

Comment l'esprit peut-il donc être libre ? Pour être libre, il ne doit pas seulement voir et comprendre son va-et-vient de balancier entre le passé et le futur, mais aussi percevoir les intervalles entre deux pensées.
Si vous observez soigneusement votre pensée, vous verrez que, bien que ses réactions soient très rapides, il y a des trous, des arrêts entre une pensée et l'autre. Entre deux pensées il y a une période de silence, laquelle n'est pas reliée au processus de la pensée. Si vous l'examinez, vous verrez que cette période de silence, que cet intervalle, n'appartient pas au temps, et la découverte de cet intervalle, sa pleine perception, vous libère du conditionnement, ou plutôt il ne "vous" libère pas mais il y a affranchissement du conditionnement.
d'après un enseignement de Jiddu Krishnamurti (1895-1986)

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