Novembre 2013 - MEDITATION et Liberté Bouddhisme et Spiritualité

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Novembre 2013

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Seul, au milieu de tous - Alone Together

Il y a quelqu'un ?

Portrait de "l’Homo Connectus"
des années 2000

Avouez-le : vous dormez presque collé à votre smartphone. Vous consultez votre messagerie même pendant un dîner en amoureux, ou juste en revenant de l’école avec vos enfants chéris. Vous ne pouvez plus lire un article, ou visiter une exposition sans en faire profiter toute votre communauté. Et vous préférez envoyer un SMS à votre ami d’enfance plutôt que de l’appeler.

Question : Comment grandira ce bébé dont la mère en train de l’allaiter a en même temps le regard rivé sur un écran ? Comment un adolescent peut-il concilier son soi intime avec sa mise en scène sur Facebook ? Que s’est-il passé pour qu’on envisage si sereinement de confier nos aînés à des robots, certes plus prédictibles, plus sûrs, et plus patients ?

D’après la sociologue américaine Sherry Turkle, les médias dits « sociaux » sont en fait des moyens d’être seul tout en étant connecté à beaucoup de monde.  Un jeune homme de 16 ans qui fonctionne principalement par l’intermédiaire de « textos » remarquait avec un certain regret : « Un jour, un jour, mais surement pas maintenant, j’aimerai apprendre comment avoir une conversation. » Les jeunes sont passés de la conversation à la connexion. Lorsque vous avez 3000 « amis » sur Facebook, vous ne pouvez évidemment avoir de véritable conversation. Vous ne faites que vous connecter pour parler de vous-mêmes à un auditoire garanti. Les conversations électroniques sont lapidaires, rapides et parfois brutales.

Les conversations humaines, face à face, sont de nature différentes : elles évoluent plus lentement, sont pleines de nuances et nous apprennent la patience. Dans la conversation, nous sommes appelés à voir les choses d’un autre point de vue, une condition nécessaire à l’empathie et l’altruisme.

Beaucoup de gens sont aujourd’hui prêts à parler à des machines qui semblent se soucier d’eux. Les chercheurs sont en train d’inventer des robots sociaux, conçus pour être des compagnons pour les personnes âgées et les enfants. Sherry Turkle raconte avoir vu une personne âgée se confier à un robot de bébé phoque et lui parler de la perte de son enfant. Le robot semblait la regarder dans les yeux et suivre la conversation. La femme s’en disait réconfortée. L’individualisme conduirait-il ainsi à un appauvrissement des relations humaines et à une solitude telle que l’on ne puisse plus trouver de compassion que chez un robot ? Nous semblons de plus en plus attirés par les technologies qui fournissent l’illusion de la compagnie sans les exigences des relations humaines. Nous risquons ainsi de n’avoir de sympathie que pour nous-mêmes et de gérer les joies et les peines de l’existence dans la bulle de l’égocentricité.

Les gens disent souvent « personne ne m’écoute ». Facebook et Twitter leur offrent maintenant des auditeurs automatiques. De fait, il a été montré que les médias sociaux sont principalement des moyens de se promouvoir soi-même.
Curieusement, l’expansion de ces pseudos relations humaines va de pair avec une crainte de la solitude. Les gens ont maintenant peur d’être seuls avec eux-mêmes. Abandonné à eux-mêmes, ils éprouvent le besoin de se connecter. D’après Turkle, ils sont maintenant passés du stade « je ressens quelque chose, je vais le partager en envoyant un message, » à l’impulsion « Je veux ressentir quelque chose ; j’ai besoin d’envoyer un texto. »

N’ayant pas la capacité d’être seul avec soi-même, nous nous tournons vers d’autres personnes, non pas pour établir une relation altruiste et nous intéresser à ce qu’ils sont et à leur situation, mais pour les utiliser comme des pièces de rechange pour soutenir nos personnalités de plus en plus fragiles. Nous pensons qu’être constamment « en contact » nous fera sentir moins seul. C’est l’inverse qui est vrai. Si nous sommes incapables d’être seul, nous sommes beaucoup susceptibles de souffrir de la solitude. Une enquête a révélé qu’un américain ordinaire ressentait un profond sentiment de solitude une fois par quinzaine en moyenne. D’après Turkle, « Si nous n’apprenons pas à nos enfants à être seuls, ils ne sauront que souffrir de la solitude. »

Il faut aussi renouer l’habitude des conversations et en fournir l’opportunité, dans les lieux de travail et dans les familles. Ceux qui participent souvent à des conférences et des réunions savent que c’est souvent durant les « pauses café », que les conversations et les interactions les plus fructueuses prennent place.

Il y a en chacun de nous une solitude qui est ce que nous avons de plus précieux. Une solitude inaliénable, magnifique, qui est la solitude même de l'Esprit.

"Une erreur persistante" : on croit que la spiritualité rend libre. NON ! Pas plus que telle religion, que telle philosophie, que tel parti politique, etc.. C'est l'esprit totalement libre qui est spirituel.
Mais les meilleurs des hommes en sont encore à chercher l'adresse d'une école, d'un parti, d'une chapelle... où ils pourraient, moyennant finances (ou pas) et par des exercices pratiques, apprendre la liberté...
Lorsque je déclare que je ne lis pas les journaux, que je regarde très rarement la télévision, que j'écoute peu la radio, on s'étonne, on s'inquiète : "Mais que reste-t-il ?"
Et moi : "Tout. La liberté."
La liberté qui se décline en silence, en musique et conversation, en lectures, en amitié, en écriture, en rêverie. Le bonheur en somme ! Mais chut !!!
Il y a en chacun de nous une solitude qui est ce que nous avons de plus précieux. Une solitude inaliénable, magnifique, qui est la solitude même de l'Esprit.
(Voir à ce sujet le BLOG de Juin 2012)

par Matthieu Ricard, article basé sur : SHERRY TURKLE “Alone Together: Why We Expect More From Technology and Less From Each Other.”
La psychologue et sociologue du MIT (à Cambridge dans le Massachusetts USA) a exploré la relation complexe entre soi et son image numérique sur Internet. Dans son dernier livre, elle dénonce les effets dévastateurs des réseaux sociaux sur la santé mentale des sujets.

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